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Le kitesurf est-ce vraiment du sport?

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whenwherekite - Le blog

Le kitesurf est-ce vraiment du sport?

par Carving le 19.02.2018

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Comment affirmer que le kitesurf est un sport si le sport n'est pas ce que l'on croit qu'il est ? Et si le sport recouvre autre chose que celle supposée entendue, comment affirmer que telle discipline est un sport ou n’en est pas ? Pour rappel, le Curling est une discipline olympique. La taille des boules ne faisant rien à l'affaire, la sympathique pétanque marseillaise s'est rangée depuis quelques lustres sous la férule de la curieusement nommée «fédération du sport boules». Plus éloigné des frotteurs de balais sur glace et des fragrances anisées au soleil méditerranéen, le sport cérébral arbore sans complexe le même épithète. Alors Curling, pétanque, mots-fléchés, kitesurf... même combat ? Qu'est-ce que le sport exactement ou, plus précisément, quand est-il et quand n'est-il pas ou n'est-il plus ? La question peut sembler étrange, fantasque même pour ne pas dire farfelue, tant il fait partie de nos vies comme un prolongement de la vie même, tant son empreinte économique et médiatique est immense sur la planète bleue. Mais qui ne s'est jamais posé la question ? ce que l'on range sous son étendard est-il suffisamment identifiable et singulier qu'il existe un périmètre tangible qui trace une frontière, même élastique, même floue, entre un en-deçà disqualifiant et un au-delà recevable ? Alors comment définir le sport ? En somme, le sport est-il une réalité palpable, quantifiable, sécable, ou bien seulement l'idée qu'on s'en fait, une représentation de l'esprit, un idéal ?

Littré: Mot anglais employé pour désigner tout exercice en plein air, tels que courses de chevaux, canotage, chasse à courre, à tir, pêche, tir à l'arc, gymnastique, escrime, etc. En France on confond souvent le sport et le turf ; mais le turf n'est qu'une espèce de sport. Etymologie : L'anc. franç. desport, déport, amusement.

Larousse: Activité physique visant à améliorer sa condition physique. Ensemble des exercices physiques se présentant sous forme de jeux individuels ou collectifs, donnant généralement lieu à compétition, pratiqués en observant certaines règles précises. Chacune des formes particulières de cette activité. Familier. Toute activité nécessitant à la fois du savoir-faire et une particulière attention à ce que fait le partenaire : Avec lui, la conversation est un sport.


Pour tenter de saisir avec plus de précision ce que l'objet sport désigne, il convient d'extraire de ces définitions deux propriétés qui apparaissent comme majeures : «l'amélioration de la condition physique» et «le jeu», dont on comprend qu'il est nécessaire de les associer intimement pour éviter la confrontation problématique avec les multiples contre-exemples qui viennent immédiatement à l'esprit. De la première découle la notion de mouvement (a priori, pas de sport sans mouvement) : chaque fois que l'on se meut (de bon gré bien entendu) on travaille à l'amélioration (ou à l'entretien) de sa condition physique générale. Liée à la seconde – le jeu – c'est-à-dire le contraire du travail et de son corollaire, la contrainte, on obtient une description acceptable... qui vole aussitôt en éclat quand on pense au sport professionnel. La professionnalisation du jeu, voilà un bel oxymore! On n'y est pas.

On pourrait essayer de le définir par ce qui le compose. Procéder par un tri systématique de ce qui est du domaine du sport et, par opposition, de ce qui lui est étranger, n'apparaît cependant pas non plus chose aisée. On sent que l'on devra procéder à tâtons sur le mode empirique, se contraindre à l'égrainage stérile des activités humaines et les soumettre à la question. Vaste projet dont on distingue mal l'aboutissement mais dont on perçoit avant même de commencer l'opposition des subjectivités. Essayer d'autres voies, sur le mode descriptif, en formalisant ce qu'il représente pour le pratiquant est peut-être un meilleur moyen. Le qui, le pourquoi et le comment, comme autant de cercles superposés emprisonnant chacun une partie du sujet, offrent peut-être une intersection où se cache la solution.

Le qui : connais-toi toi-même
On s'accordera sans doute pour dire que le sport c'est d'abord un récit que l'on se fait à soi-même : la projection d'une réalité commune et banale (un corps humain quasi infiniment répliqué depuis l'aube des temps) aux aptitudes augmentées, amplifiées, magnifiées, sublimées par l'énergie induite du mouvement. Une histoire nécessairement égotique, donc narcissique, où l'impétrant cherche non seulement une satisfaction dans sa propre image réfléchie, mais aussi, en lui même, la source d'une observation, d'une curiosité, d'une introspection – qui va parfois jusqu'à la quête – d'un moi que l'on espère aimable... ou moins haïssable. C'est un tertre imaginaire sur lequel on se hisse pour observer d'un peu plus haut ce monde, toujours étrange parce qu'insaisissable, jamais conquis car inatteignable. Un piédestal d'où l'on espère être vu, reconnu ? aimé ? admiré ? par les occupants des paliers inférieurs.

Convoquer Narcisse pour tenter de définir le sport déplaira à tous ceux qui le pensent comme une éthique plutôt que comme une esthétique, même s'il y a fort à parier que ça n'est pas l'un ou l'autre mais l'un et l'autre ou, pour le dire autrement, jamais l'un sans l'autre. Pourtant, si l'on se veut honnête, on peut se demander qu'a à faire l'homme raisonnable de cette quête du mouvement et de la mise en déséquilibre qu'il impose dans un univers contraint par la gravité ? Le souverain bien, puisque c'est toujours lui qui s'invite quand on étudie les hommes et leurs gesticulations, est-il nécessairement inféodé au dogme de l'agitation des corps ? Assurément non. Il y a déjà toute la beauté du monde - donc tout le bonheur palpable - contenue dans la simple inflexion d'un arbre qui berce sa palme, dans la lumière du jour finissant qui ocre les pierres du chemin, dans la respiration qui gonfle et creuse les milles ventres des mers virides, dans les nuages qui passent, là-bas, les merveilleux nuages*, dans le noir profond des portiques ouverts sur les milliards de soleils du cosmos... il y a déjà tout. Et puis il y a les livres. Alors ?

Alors rien n'y fait car rien ne suffit à celui-là qui veut plus encore, qui veut s'immiscer dans la carte postale mouvante, en être l'acteur, le réalisateur, le scénariste, le producteur, le médiateur. S'agiter toujours, s'agiter pour remplir le puits sans fond de son désir d'exister, s'agiter pour pétrir la vie dont il ne peut saisir le sens, s'agiter pour tenir sa place à la table ouverte de la nature, déchirer sa chair, aspirer sa moelle, s'abreuver de son sang, s'insinuer dans sa carcasse de cadavre vivant, se lover parmi ses entrailles pour en capter la chaleur, pour enfin, vibrer à l'écho sourd et lancinent des battements de son coeur.

Le pourquoi : le flacon, l'ivresse, etc.
Au-delà de cette tentative (probablement vaine) de définition purement ontologique de cet objet (conceptuel ?) que l'on nomme sport, quid de ses moteurs ? le jeu, la joie, l'envie, le plaisir, le partage... ? « L'homme souffre si profondément qu'il a dû inventer le rire. » disait Nietzsche. L'un (le rire et consorts, joie, jeu, etc.) serait la conséquence de l'autre (l'être). Ce qui ne nous avance pas beaucoup. Si l'on se sait pas définir ce qu'est le sport aurait-on plus de facilités à dire pourquoi on le pratique ? une irrépressible appétence pour l'émoi provoqué par le déséquilibre; la transgression de l'attitude contenue et normée; les affres du vertige; les transes de l'effort; l'ivresse de la glisse; la recherche du beau geste; la frustration de l'immobilité; la passion du mouvement; l'envie de nature; le saisissement de la douleur; la jouissance d'exister mieux, d'exister plus, d'exister autrement; l'excitation de la conquête; l'allégresse de la victoire; le culte voué au corps; l'étonnement de soi; la confrontation avec l'altérité; le goût de l'intensité du réel; la griserie de la trajectoire; la pulsion de vie; le frisson de mort ?...

Pourquoi fait-on les choses que l'on fait ? Et pourquoi parmi toutes, fait-on celles que l'on considère comme du sport ? Il y a mille raisons objectives accompagnées par la même quantité de promesses de plaisirs, ce qui signifie qu'il n'y en a probablement aucune qui soit déterminante en dehors de la raison existentielle patinée d'hédonisme. La quête du bonheur déclinée en plaisirs, on l'a vu, est déjà contenue ailleurs, à disposition partout et tout le temps, comme un fruit offert qui ne demande qu'à être cueilli sans effort. «On ne voit bien qu'avec le coeur» disait le renard au Petit Prince. Le sport, comme le rêve – antichambre d'une âme matérielle dont le coeur est l'organe du premier de ses sens -, propose une extension de la réalité, atteignable sous conditions d'efforts, d'apprentissage, d'assiduité, de patience, de disponibilité, d'engagement, du pugnacité, d'humilité, de technicité, de contrôle, de motivation, d'endurance... Toutes les qualités que l'on réclame par ailleurs au travailleur, et en même temps, nécessaires à la maîtrise d'un jeu, d'une pratique, d'une forme d'être au monde. Le sport est décidemment un drôle d'objet.

Le comment: l'intensité, la clé de l'énigme ?
Rien ne semble satisfaisant pour exprimer ce qu'est le sport «à coup sûr». Peut-être parce qu'il n'est pas vraiment pensable comme une réalité objective mais, comme une expression singulière du corps. Comme la danse classique, que l’on peut voir comme un sport, mais qui est aussi et surtout un art nécessitant un entraînement physique considérable, ce qui la catégorise comme sport... qu'elle n'est donc pas uniquement mais qu'elle est aussi.

Un kiteboarder, perché sur son foil, tire un bord, lent et rectiligne, le long de la grève où un homme promène son chien. Le premier glisse sans effort, pas de saut, pas de virement de bord rapide, le temps est beau, le vent est faible, tout se passe dans la douceur ouatée d’une eau calme. En revanche, l’homme au chien avance d’un pas énergique, il est en mode marche rapide. Lequel des deux est le sportif ? Le premier à la seule justification qu’il est sous un kite, ou le second qui impose un rythme soutenu à son compagnon à quatre pattes ? On penche (à regret sans doute) pour le second. Maintenant, approchons-nous. Sous le casque du premier, un crâne pelé comme un soleil d’hiver, une garrigue de sourcils blanchie par l'âge et un visage parcheminé. Le kiter a 80 piges bon poids. Sur la grève, l’homme au chien a juste vingt ans. Qui maintenant est le sportif ? Qui est en train de pratiquer un sport et qui a une attitude empreinte d'une banale normalité ?

On me rétorquera avec raison que la façon de pratiquer détermine le pratiquant, pas le sport. Le foileux en mode pépère ne disqualifie pas le kitesurf en tant que sport. Il y a bien deux objets distincts, le sport et le sportif. Le sportif pratique une discipline qui peut être définie comme sport ou pas. Dans la même veine, un sport peut être pratiqué par des non-sportifs (il peut arriver à votre vieille maman de taper dans un ballon pour amuser son petit-fils). Mais qu'est-ce qui fait qu’une activité se définisse comme un sport ? une discipline peut-elle être intrinsèquement un sport ? ou est-ce une certaine forme de pratique (régularité, effort, engagement, difficulté, etc.) qui élève une discipline au rang de sport ?

Loin de s’éclaircir, l’horizon se brouille. Reste le doigt mouillé comme dernier recours. Le simple mot de sport évoque la sueur issue de l’effort (on aurait dû commencer par là). Hors le qualificatif que les instances officielles veulent bien lui attribuer (ou non), une discipline (ou une simple activité) devient un sport dès lors que le pratiquant – consentant et volontaire – se fatigue. Ce serait bien l’intensité mise dans l’application d’un exercice donné qui fait accéder une discipline au rang de sport. Dès lors, une fois la chose qualifiée, elle garde sa propriété. Le football, le tennis, la course à pied, le badminton, l’athlétisme, le tir à l’arc, le golf... ou le kitesurf, pratiqués avec une certaine forme d’intensité mêlée d’adresse, d’engagement, de créativité, d’explosivité... ou par un groupe de grabataires échappé d’un EHPAD**, cette activité reste un sport si une entité dûment autorisée a décidé qu’elle en était un. L’intensité, si elle permet de mieux cerner ce qu’est un sportif n’est pas, à elle seule, la condition nécessaire et suffisante pour déterminer que ce qui est pratiqué est un sport ou non.

Proposition
Un sport serait donc une activité, plutôt à vocation ludique, pratiquée par des gens qui veulent fuir les contingences ordinaires du corps et acquérir des capacités nouvelles, pour engranger un maximum d’émotions – fussent-elles douloureuses – avec détermination et engagement. La qualification “Sport” est un statut accordée à une activité ou discipline humaine. Il reste établi ad vitam*** quels qu’en soient les pratiques et les pratiquants.

Espérant n’avoir pas trop ratiociné, d’une part, et n’ayant aucune ambition de briguer l’épée et l’habit vert - donc sans intention de participer à la nouvelle mouture du dictionnaire de l’Académie Française pour cette unique entrée -, d'autre part, c’est en toute humilité unilatérale que je déclare cette définition plus convenable que celles proposées ici ou là, en ce sens qu’elle me parait plus éclairante.

Quant au kitesurf, il répond bien à la définition et, comme toutes les autres disciplines, elle est ce qu'on en fait. Ce qui autorise tout le monde à donner sa propre définition du sport. Quelle est la vôtre ?

* Baudelaire, L'Étranger - les petits poèmes en prose.
** Établissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes
*** J'omets à dessein le “aeternam” en pensant au Curling parce que bon... faudrait arrêter de déconner...

 

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