J’ai passé la moitié de ma vie à dévaler les pentes neigeuses des alpes, comme un furieux au sein d’une bande de furieux, furieusement assoiffé de poudre, de grandes courbes et d’adrénaline. Ce fut une passion acquise par hasard et non transmise par héritage. Venant d’une banlieue morne du nord de Lyon, j’ai atterri à Grenoble pour y faire des études. J’y suis resté. Comme tout nouvel arrivant, j’ai levé la tête, vu les montagnes et me suis laissé entrainer vers leurs sommets. J’y ai redécouvert le ski balade, le week-end, dans les petites stations alentours. Un samedi, alors que je me laissais doucement glisser sur un chemin de liaison, je fus le témoin d’une apparition extraordinaire : dévalant une énorme langue de neige, un type dans une posture bizarre faisait éclater dans le soleil d’immenses gerbes de poudreuse cristalline. En trois virages il fut sur moi et finit sa course devant mes spatules. C’était la première fois que je voyais de près un surf des neiges. Ça ressemblait à une longue planche en forme d’ogive à l’avant avec un corps effilé jusqu’à l’arrière finissant en queue de pie. Il n’était pas équipé de fixations, mais seulement de straps dans lequel le rider avait glissé les pieds. Le gars était recouvert de neige de la tête aux pieds. D’évidence il maîtrisait mal son drôle d’engin. Je vécus cette rencontre inopinée comme une sorte de révélation ! Il ne faisait aucun doute que ce truc bizarre était fait pour moi. Il n’y avait pas de vérité plus vraie, d’évidence plus prégnante, de réalité plus réelle. Cette rencontre a littéralement bouleversée ma vie pour les 20 années qui ont suivi.
Qui devriez-vous remercier d’être un kiteur ?
Je repense souvent à ce gars, disparu aussi vite qu’il m’était apparu ce jour-là. De ma propre initiative, il est fort peu probable que je me fusse intéressé suffisamment au milieu de la glisse pour devenir un pratiquant assidu. On doit tous nos passions à quelqu’un. Rares sont les pionniers véritables, suffisamment curieux, créatifs, courageux, pugnaces... qui à partir d’une idée, d’une envie, d’une intuition, fabriquent (ou se procurent pour l’améliorer) l’instrument qui deviendra la source de leur plaisir. Un beau matin, bien des années plus tard, je me retrouvais avec Régis Rolland, légende française qui importa le snowboard en France, et à qui l’on doit notamment les films Apocalyspse Snow (que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaitre). J’étais ému de partager ce moment avec lui. En descendant les pentes des Grands Montets à ses côtés, je pensais au petit lyonnais d’alors coincé dans sa ZUP, ignorant que son modeste destin allait l’envoyer durablement respirer l’air frais des grands espaces, par le simple fait qu’un jour, il croiserait la trace d’un bonhomme de neige malhabile en équilibre instable sur une planche de bois.
Puis ce fut le tour du kitesurf. Un pote de toujours s’y était mis depuis quelques années. N’étant pas planchiste comme lui, je m’y intéressais peu et ça aurait pu en rester là. Mais à force d’en parler, il a instillé la petite étincelle dans l’esprit de deux autres compères auxquels j’emboitais le pas quand ils se décidèrent à s’inscrire à un stage. J’avais peu d’images de kite en tête, ça me semblait sympa mais sans plus. Ce dont j’avais le plus envie, c’était de prendre la route avec eux, direction le sud, aller voir la mer et faire partie de ces micro-aventures d’un jour. Je connus une sorte de vertige quand, pour la première fois, j’ai senti la puissance du kite au bout des lignes. J’ai ressenti la même urgence qu’autrefois avec le snowboard qui me commandait de me lancer corps et âme dans la maîtrise de ce sport, avec en plus, une réelle appréhension au creux du ventre pour ce milieu marin qui m’était étranger. Ce mélange de crainte et d’envie produisait en moi l’effet d’un cocktail euphorisant. Le kite est vite devenu l’alpha et l’oméga de mes préoccupations.
Il y a peu, un pote m’a proposé de découvrir le paddle. Contrairement au kite, j’avais, cette fois, parfaitement repéré ce nouveau jouet dont tout le monde parlait depuis des années. Je n’étais pas intéressé, a priori, par le concept du mouvement immobile que m’inspirait la chose. Et puis j’ai essayé, grâce à cette invitation. Et que croyez-vous qu’il advint ? j’ai immédiatement adoré. Aujourd’hui, dès qu’il est possible, je fonce vers le lac. À l’instant même où je monte sur le paddle, un sentiment de plénitude s’empare de moi.
Alors voilà, au bilan, je dois à un parfait inconnu et à deux vieux compagnons une part immense de ce qui a fait ma vie. Je sais que seul, je n’aurais probablement pas produit assez d’interactions avec le hasard pour faire ces découvertes. Si ça n’avait pas été eux, me dira-t-on, ça aurait été d’autres ! Ça aurait pu aussi ne pas être du tout. Je leur suis redevable de ça, de tout ça.
Merci, donc, à cet inconnu. Et merci à Pascal (pour le kite) et à David (pour le paddle).
Et vous, qui devriez-vous remercier ?
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